Arlette CHAUMORCEL, Poète, Co-fondatrice, Présidente d’honneur de la Maison de la Poésie

Rose d’or de la poésie
Rose d’or de la chanson
Prix Yves Cosson, décerné en 2015 par l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire, obtenu conjointement avec Jean-Claude Albert Coiffard, pour l’ensemble de leur œuvre respective.
Membre de plusieurs jurys littéraires, elle a publié une trentaine de recueils de poésie, contes et comptines. Ses œuvres sont traduites et publiées dans de nombreuses anthologies nationales et internationales.
Un grand nombre de ses textes mis en musique sont dits et chantés.
Elle anime des ateliers d’écriture, réalise des spectacles poétiques, participe à des conférences en France et à l’étranger






Ebauche, création, et vie de la Maison de la Poésie
17 juillet 1986 depuis deux mois déjà deux de nos filles sont au service de Noël Josèphe ; l’aînée Eve est l’assistante parlementaire du Président du Conseil régional Nord – Pas-de-Calais. Florence la benjamine qui vient d’obtenir son diplôme de bibliothécaire a été nommée responsable de la bibliothèque municipale de la commune de Beuvry dont Noël Josèphe est le maire.
Il y a fête chez nous en ce 17 juillet 1986.
Il fait beau. Nous avons invité les amis peintres musiciens poètes. Nous avons aussi convié le « patron » de nos filles que, jusqu’alors, nous ne connaissons que par écran de téléviseur interposé. L’ambiance est parfaite en harmonie avec l’humeur des convives comme avec le ciel de juillet.
En tant que maîtresse de maison chargée de procéder aux présentations je mets, à un moment en présence le Président de région et l’ami Van Hecke personnage truculent imprévisible fâché de toujours avec les bonnes manières et peu soucieux du protocole. Alors que Noël Josèphe essaie d’entamer une conversation sur le thème des musées à ma grande surprise sur le ton le plus désinvolte le peintre aborde le Président de région par ces mots :
– « Vous ouvrez, monsieur le Président, peut-être des musées mais les toiles des peintres dorment dans les caves ».
Décontenancé un instant Noël Josèphe reste muet.
Je ne veux surtout pas d’incident. Nous sommes chez nous. Diplomate je vole au secours du Président.
– « Oui les peintres ont peut-être leurs toiles dans les caves mais ils ont des musées, les sculpteurs aussi, les musiciens ont des chorales, des orchestres, les poètes eux n’ont rien. ».
Et là… Solidarité masculine je suppose Noël, libéré de la réflexion embarrassante du peintre, se tourne vers moi et amusé me lance :
– « Qu’est-ce que vous avez, vous, à revendiquer ? ».
Surprise par la volte-face habile de Noël Josèphe, prise de court, je bafouille :
– « Je ne sais pas mais j’aimerais que nous ayons un lieu, un endroit, une pièce où nous pourrions nous retrouver ».
– « Une maison c’est ça que vous voulez ? Une maison de la Poésie ? ».
A l’époque, il existe déjà en France, et je le sais, quatre maisons de la Poésie.
Alors pourquoi pas une cinquième dans le Nord – Pas-de-Calais ?
– « Oui c’est cela, monsieur le Président, une maison de la Poésie ».
– « Entendu promis vous l’aurez votre maison ».
L’après-midi s’acheva, belle comme elle avait commencé.
Noël et Arthur, par la suite, se retrouvèrent d’amitié, à plusieurs reprises, et notamment à la Maison de la Poésie.
Des semaines passèrent, quelques mois aussi…
Eve occupait toujours son poste d’assistante parlementaire, place peu enviable puisque très régulièrement je lui rappelais la parole du Président. Invariablement de notre fille j’obtenais cette réponse :
– « Nous avons l’industrie, le textile, les charbonnages, la Maison de la Poésie… Sois patiente ».
Je craignais je l’avoue la promesse présidentielle tombée aux oubliettes. Je puis dire aujourd’hui, après avoir travaillé 20 ans auprès du Président de la maison de la Poésie que Noël n’oubliait pas, qu’il était absolument et profondément fidèle à sa parole, à ses convictions, à ses amitiés. J’ignorais de plus à l’époque l’attachement que l’homme Josèphe portait à la littérature en général et la passion particulière qu’il vouait à la poésie.
Un matin de grand froid je reçus d’Eve un message :
– « Ameute tes saltimbanques de la poésie le Président va vous recevoir samedi à 10 heures ».
Ainsi fut fait.
Il neigeait. Les routes étaient glissantes nous étions très peu nombreux au rendez-vous. Il y avait si je me souviens bien Pierre Descamps, Jean-Marie Valembois, peut-être aussi Jean-Claude Bailleul, Eve, Francis et moi et bien entendu le Président de la région Nord – Pas-de-Calais.
Pas question de palabrer, les heures de Noël Josèphe sont précieuses. Il nous entraîne dès notre arrivée visiter le manoir de l’Estracelle. Bijou du XVIe siècle dans lequel il aimerait nous installer. Malheureusement le rêve d’installation se heurte d’emblée aux exigences, parfois rigides des services de l’administration des monuments historiques. Qu’à cela ne tienne ! L’Association, que le Président pour des raisons d’écoute et de gestion, demande ce jour-là de créer, obtient momentanément en juin 1988 un siège administratif de préfiguration dans les locaux du Conseil régional près de la gare de Lille.
A Beuvry, dans la commune administrée par Noël Josèphe une belle grande propriété (domaine de Bellenville), est confiée à l’Espace naturel régional. Cette Association, chargée de l’entretien du parc et de l’aménagement des bois et marais environnants, occupe principalement la partie extérieure du domaine. Noël Josèphe qui a pris la présidence de la toute jeune Maison de la Poésie propose d’installer le siège de l’Association dans la véranda de cette superbe demeure vestige d’un pavillon de chasse.
L’Association Maison de la Poésie dotée d’un conseil d’administration ouvert, dynamique et compétent est officiellement créée en septembre 1991 Noël Josèphe est nommé Président.
Je suis, pour avoir commis l’erreur d’être seule femme à bord lors de la naissance de l’Association, projetée vice-présidente. La direction est assurée par le musicien Roger Lahaye puis vont se succéder à la tête, avec plus ou moins de bonheur, Carmen Hascoët, Séverine Grodziski pour finalement bénéficier de l’enthousiasme de nombreux adhérents, d’une équipe fidèle de bénévoles et de la gestion sérieuse ainsi que des compétences remarquables de la directrice d’aujourd’hui Véronique Trinel.
Lieu de rencontres, d’écoute, d’échanges la Maison de la Poésie œuvre dans le domaine social, pédagogique et culturel en région, en France et au-delà. Remarquée dès 1996 après l’obtention par l’auteur polonaise Wislawa Szymborska, du prix Nobel de littérature, remarquée encore après un échange toujours en cours d’actualité avec le Mexique, la Maison de la Poésie programme actuellement une anthologie France-Afrique.
Qu’il me soit permis en tant que citoyenne du Nord – Pas-de-Calais, également en tant qu’auteur, d’ajouter ici mes sentiments de gratitude et d’affection à l’égard de l’ancien Président du Conseil régional, à l’égard de l’homme honnête et de l’honnête homme Noël Josèphe qui fut précurseur dans bien des domaines et défenseur éclairé de la littérature et de l’art poétique.