« Papa et le Théâtre »

« Les Vieillards Amoureux »
pièce mise en scène par
Noël JOSEPHE
Guillaume TOBO
Guillaume est acteur, scénariste, enseignant et producteur au théâtre ou au cinéma. Il a vécu en France et en Grande-Bretagne. Il dirige actuellement la société de production cinématographique Connectic Studio avec laquelle il a produit le long-métrage franco-britannique « Departure » sorti sur les écrans en 2017. Au théâtre, il dirige la compagnie BordCadre avec l’autrice et metteur en scène Cécile Rist. Jusqu’au 13 mars dernier, il tournait un solo de l’auteur Bernard-Marie Koltès. Le 14 mars la fermeture des théâtres était décrétée. En espérant que leurs portes soient rapidement rouvertes, il prépare actuellement la création de « Tailleur pour dames » de Feydeau et le troisième texte de Cécile Rist.

PAR GUILLAUME TOBO

« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront. » ( René Char )

Que dire ?

Que dire qui n’épuise pas le silence ?

Un homme que j’ai profondément aimé.

Un père aux épaules parfois trop grandes pour l’imaginaire d’un enfant.

Un père d’un autre siècle pour un enfant du suivant.

Mi Anthony Quinn, mi Yves Montand.

À cause de cet indéfinissable accent dont je croyais qu’il venait du grand sud comme sa peau tannée et son charme méditerranéen…

Un homme qui aimait la vie.

Un homme qui s’avançait avec sa blessure.

Aiguillonné par sa douleur.

Éclairé par la beauté qu’il trouvait dans le monde.

Aveuglé parfois par la lumière, cette lumière qu’il voyait en presque toutes et tous.

Un garçon des rues.

Diplômé de Normale Sup mais avec des mains de paysan et le sourire des mauvais garçons un soir de lune.

De quoi faire chavirer toutes les belles !

Et pas besoin de moto.

Un survivant.

Avec pour seule boussole… vivre.

Et aider les vivants.

Il avait la compassion d’un orphelin.

C’était un Jean Valjean magnifique dans ses grandes heures.

Étrange comme la privation et l’abandon font de vous un puits d’amour.

Un amour étrange.

Dur et sec comme le granit en ses heures de tempête.

Mais de ce granit qui fait les phares et les rochers sur lesquels se hissent les naufragés.

Ogre à d’autres heures.

Ogre au regard clair.

Car il ne lui a fallu qu’une vie pour en vivre mille.

Quand il en faut mille pour en bâtir une à la mesure du rêve qui anime notre enfance.

Sur la scène du monde, j’ai pris « théâtre ».

Pourquoi ?

Je l’ignore.

Je n’ai su que plus tard qu’il avait lui-même animé la troupe qu’il avait créée.

Grâce à Yolande, il est venu voir les trois sœurs

Il fait bon se rencontrer à l’ombre de Tchekhov.

Car il y a de la douceur, des larmes et des rires.

La vie… douce… aimante d’un fragile médecin des âmes.

Pour l’instant, je joue « l’étranger » de Bernard-Marie Koltès.

« … moi, c’est plutôt le sang, les muscles et la carcasse osseuse, tout cela qui vient du père, car mon père, c’était du bien solide, c’était celui qui ne s’embrouille jamais les nerfs à force de penser, que rien ne peut déranger, un homme tout en os, en muscles, un homme de sang… »

Et silencieusement, un rôle s’avance obscur dans la nuit solitaire … le roi Lear.

Que dire ?

« Il n’y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve ou on l’accomplit. » 

( René Char )