EDUCATION NATIONALE

Pierre FRACKOVIACK

Inspecteur honoraire de l’Education Nationale. Responsable du Syndicat National des Inspecteurs de l’Education Nationale du Nord (SI-EN UNSA Education) Ancien membre du Bureau National du SI-EN

Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont :


La première classe de Noël JOSEPHE à Bailleul
Préparation du concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud
Congrès du SNIDEN à Lille en 1983
Jacques POMMATEAU, Noël JOSEPHE et Michel MOISAN 

Noêl JOSEPHE est un enfant de l’école publique. Tout au long de sa vie, il n’a cessé de remercier la République de lui avoir permis de se cultiver, d’apprendre, et ainsi de prendre conscience de la place de l’éducation et la culture dans les rouages de la société et le fonctionnement de la démocratie. Il sera tout à tour instituteur, professeur puis inspecteur de l’Education Nationale, métier qu’il exercera jusqu’à sa retraite malgré ses nombreuses fonctions politique. Il a également assumé des responsabilités syndicales jusqu’en 1995

TEMOIGNAGE DE PIERRE FRACKOVIACK

Parmi tous les hommages que nous avons entendus, que nous entendrons, que nous lirons, il en fallait un évoquant précisément l’attachement viscéral de Noël JOSEPHE à son métier d’inspecteur, à l’Ecole Publique, aux enfants et à la jeunesse.

Après l’Ecole Normale Supérieure qui formait les inspecteurs primaires de l’époque, Noël JOSEPHE a obtenu son premier poste d’inspecteur à CHINON où il a exercé de 1953 à 1956, dans cette région où il avait déjà laissé le souvenir d’un inspecteur brillant, engagé, proche des enseignants, dans cette si belle région à laquelle, sans jamais oublier ses racines flamandes, il s’est attaché au point d’y installer petit à petit un havre de repos, de paix et  de rassemblement familial.

En 1956, il est nommé inspecteur de la circonscription de BETHUNE III où il exercera jusqu’en 1973. Sa candidature à des mandats électifs incompatibles avec une fonction de cadre de l’Education Nationale dans le Pas-de-Calais, le contraint à solliciter un poste dans le Nord. Il est nommé inspecteur de la circonscription de LILLE II où il exercera jusqu’en 1978, date à laquelle il pendra sa retraite après 25 années d’inspection.

Exerçant des responsabilités syndicales départementales, il est sollicité pour entrer au Bureau National où il est élu en mars 1969 alors que Gaston HANTUTE (de VALENCIENNES) était secrétaire général. En 1970, Albert GUILLOT devient secrétaire général, Noël  est élu trésorier national, il  le restera jusqu’en 1995. Les secrétaires généraux se succéderont: Michel MOISAN, le charismatique, avec lequel il avait noué de très forts liens amicaux, Jean TETARD, le sage, Michel MARUCELLI, le diplomate, le trésorier restera comme un des piliers essentiels du syndicat. Rien en l’empêchera d’exercer ses fonctions syndicales, pas même les charges d’une région de 4 millions d’habitants, la Région Nord-Pas-de-Calais, qu’il préside de 1981 à 1992. Il prend la responsabilité du bulletin syndical de 1971 à 1991. De 1991 à 1995, il est également le représentant national des retraités pour lesquels il mène un combat déterminé.

Il met un terme à ses mandats syndicaux en 1995, voilà un peu plus de 10 ans, mais il fait preuve d’une fidélité qui est devenue légendaire à son syndicat et à sa corporation. Continuant à s’informer de tout et à donner son avis, lecteur exigeant du bulletin, attentif aux évolutions du système et du métier, continuant de participer aux assemblées générales départementales et régionales jusqu’à ce que la maladie l’en empêche. Il y a quelque temps, il n’y a pas longtemps, il nous rejoignait encore, avec son sourire, sa joie de vivre communicative, ses éclats de rire, ses souvenirs et ses analyses, dans une réunion que nous avions décidé de tenir au lycée YOURCENAR, établissement dont il était si fier, à BEUVRY, construit comme un symbole en face de sa maison.

De l’avis général, de celui des enseignants qu’il a inspectés et guidés, celui de ses collègues actifs et retraités qui l’ont côtoyé, entendu, aimé, collègues de l’Académie de LILLE, de toute la France, collègues de Belgique (ah, ces fameuses rencontres d’inspecteurs franco-belges qu’il aimait tant!), collègues d’Afrique où il a effectué des missions « périlleuses » en particulier avec son ami et complice Georges FRESNOY, l’avis de ses collaborateurs, secrétaires, conseillers pédagogiques, celui de ses supérieurs, inspecteurs d’académie et recteurs successifs qu’il ne ménageait pourtant pas, certains dissimulaient mal leur inquiétude quand il levait la main pour faire une de ces déclarations solennelles et fortes dont il avait  le secret. Il m’a souvent raconté comment l’un d’eux l’ayant interrompu, il lui dit avec fermeté: « Monsieur l’Inspecteur d’Académie, je parle au nom de tous les inspecteurs du département! »

De l’avis général, je crois pouvoir dire unanime, Noël JOSEPHE aura été un grand inspecteur, écouté, admiré, influent, efficace, au service de cette Ecole Publique à qui il devait tant et à laquelle il voulait rendre le plus possible, avec cette modestie et cette gentillesse qui le caractérisait, cette gentillesse qui n’a rien de mièvre et de dérisoire, qui n’est pas que politesse et convenance, qui est tout simplement une synthèse d’intelligence et de sensibilité

Un inspecteur fier de l’être, sans jamais se départir de sa simplicité et sans avoir besoin de piédestal, fier du corps des inspecteurs dont il contribuait à construire l’esprit, agissant pour qu’il soit respecté, luttant pour défendre et promouvoir sa dignité et sa place dans le système éducatif.

Pas une manifestation publique où le président de région ne citait et ne saluait l’inspecteur du secteur, le plaçant souvent bien avant ce que les usages protocolaires prévoyaient. Je me souviens de ce jour à Saint Pol-sur-Ternoise, où nous inaugurions ensemble une exposition culturelle. Avant de commencer son discours, il me dit vivement: « Il n’est pas là ton collègue d’ici? ». Il était là, je l’avais salué au fond  de la salle, je lui dis et Noël me glisse, « Va le chercher, dis lui  que l’inspecteur doit être au premier rang, pas dans le fond de la salle ». J’obtempérais car parfois il fallait obtempérer comme un fils l’aurait fait, et Noël commença: « Monsieur le Maire, Monsieur le Conseiller Général, Monsieur l’inspecteur… »

Pas une réunion syndicale où Noël n’évoquait l’importance de la fonction pour l’évolution de l’école. Avec des souvenirs certes, avec le rappel des grands penseurs et surtout des poètes, récitant parfois des dizaines de vers et nous interrogeant comme le maître d’école pour contrôler nos connaissances, mais jamais de cette nostalgie qui fonde souvent le conservatisme, jamais de cette tristesse qu’il n’aimait pas, que la vie est belle disait-il souvent, jamais de ce  pessimisme qui obscurcit l’avenir.

Une volonté, un volontarisme, une confiance en l’homme et en son éducabilité, en son intelligence et en sa capacité de progrès, un profond désir, jaurèssien, de transformer le réel pour aller vers l’idéal, un espoir sans cesse renouvelé d’une école pour tous, pour les enfants du peuple, pour tous les citoyens d’une société de la connaissance et de la culture. Un avenir radieux comme l’était si souvent son visage…

Au nom des anciens secrétaires généraux de notre cher syndicat, et notamment de Michel MARUCELLI et de Patrick ROUMAGNAC, au nom du Bureau National, au nom de tous les inspecteurs de France, de Navarre, de Belgique et d’ailleurs, au nom de l’Ecole Publique que tu as si bien servi, mon cher Noël, je te salue et je te redis ces vers que tu aimais tant :

Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front,
Ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime,
Ceux qui marchent pensifs, épris d'un but sublime
Ayant, devant les yeux sans cesse, nuit et jour
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour…
Ceux-là vivent seigneur, les autres je les plains
Car de son vague ennui, le néant les enivre,
Car le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre.

Avec Victor HUGO, les inspecteurs te disent au revoir et te garantissent qu’ils continuent à porter ton flambeau! 

Le 29 mars 2006.

Eglise Saint Martin. BEUVRY