François DELAGRANGE, Conseiller technique de Noël JOSEPHE, en charge du developpement economique de 1982 A 1992

C’est Noël Josèphe qui m’a fait découvrir et aimer le Nord-Pas-de-Calais dont il a marqué l’histoire. Je suis fier d’avoir partagé une petite partie de son parcours en travaillant auprès de lui et de Serge Peyré  au Cabinet Régional dans lequel je suivais les affaires économiques, les entreprises en difficulté et le bassin minier.

La période 1981-1992 a été une période charnière de la grande mutation de la région qu’il a, aux côtés de Pierre Mauroy et d’autres élus, assumée. C’est pourquoi l’histoire  de ses 10 ans de présidence mériterait d’être écrite.

Je garde, comme tous ceux qui l’ont connu, le souvenir d’un homme chaleureux, attentif à la vie de chacun, tolérant et imprégné des valeurs républicaines, laïques et généreuses des grands hommes de gauche.

Au-delà de mes souvenirs impérissables de cette période je ne rappellerai que quelques anecdotes qui m’ont marqué, significatives de sa personnalité.

D’abord mon entretien d’embauche en juin 1982. Venant des Vosges où depuis 1978 j’étais assistant parlementaire de Christian Pierret, suite à un contact avec Serge Peyré, j’ai eu un rendez-vous avec le Président Josèphe à l’Assemblée Nationale. Ce rendez-vous, faute de temps comme souvent avec lui, s’est déroulé dans sa voiture entre l’Assemblée et la gare du Nord ! Pendant une demi-heure nous avons parlé de Chinon, de la Touraine dont je suis originaire et de la résistance, mon père ayant été dans un maquis près de Chinon ! L’affaire était conclue ! Pas de commentaire sur mes diplômes, expériences, ou motivations simplement un authentique rapport humain chaleureux et convivial.

L’accompagnant souvent le samedi dans des réunions ou les fréquentes fêtes de la rose, banquets républicains ou soirées politiques « dansantes » surtout dans le bassin minier, entre deux villes où il était attendu il me parlait de chacune d’elle connaissant avec précision leur histoire et leurs élus. De Beuvry en passant par Lens, Liévin, Harnes, Béthune ou Isbergues, je connaissais ainsi le moindre détail qu’il aimait conter. Avec lui j’ai pu apprécier la convivialité particulière qui régnait parmi les élus socialistes du Pas-de-Calais, convivialité et fraternité qu’il portait en lui.

Fidèle à sa famille politique mais aussi à ses amis de jeunesse, un exemple me vient à l’esprit ; Un de ces fameux samedis après-midi ou soir que je passais avec lui et le fidèle André, nous passâmes un soir à Steenvoorde chez son ami Duthoo où était réunie une partie de l’ancienne équipe de football dans laquelle il jouait adolescent. Pas des amis socialistes mais des amis de jeunesse fidèles et attachants. Sans connaissance particulière sur les exploits de cette équipe, il me chargeait de danser avec les dames de l’assistance et je ne pouvais refuser ! Conseiller technique danseur ! Sacrée soirée à Steenvoorde avec Noël Josèphe et ses copains d’adolescence !

Autre moment inoubliable notre séjour en URSS en 1983 : Pour prouver qu’aucune technique innovante n’existait en Union Soviétique pour exploiter les veines de charbon de moins de 80 cm, contrairement à ce qu’affirmaient la CGT mineurs et le PC, Noël Josèphe organisa une délégation pour analyser les conditions d’exploitation dans le bassin minier du Dombass en Ukraine. Pendant plus d’une semaine en compagnie de Jean pierre Kucheida, Alain Bocquet, Marcel Wacheux, Marc-Philippe Daubresse, Aldebert Valette, des syndicalistes mineurs et un ingénieur des HBNPC nous sommes descendus une dizaine de fois dans différents puits. Au retour d’une de ces descentes Noël Josèphe fut « enlevé » par le secrétaire général du syndicat des mineurs d’Union  Soviétique, seul avec un chauffeur et un interprète dans une forêt pendant plus d’une heure ; Il fût question de la situation en URSS et des conditions d’exploitation des mines du Dombass. Noël Josèphe fût très impressionné par cet entretien confidentiel dont la conclusion était que la situation de l’économie et de l’exploitation minière en URSS et en particulier dans le Dombass était mauvaise, voire catastrophique. Le bassin minier du Dombass était donc en tous points, comparable à celui du Nord-Pas-de-Calais. Pour conclure ces souvenirs d’URSS, un après-midi alors que certains élus et syndicalistes visitaient dans le moindre détail pendant plusieurs heures  un puit en rampant dans les galeries et veines tel Jean-Pierre Kucheida devenu mineur de fonds soviétique, je me suis retrouvé seul avec Noël Josèphe assis dans une grande galerie à 800 mètres sous terre sur un tas de pierres dans un silence parsemé de forts craquements comme dans toute mine de fonds. « Qu’est-ce qu’on  fait la mon ami ? On serait mieux en Touraine ! » me dit le Président avec humour et une certaine lassitude. De retour dans le Nord-Pas-de-Calais on ne parla plus de l’exemple soviétique et de ses fabuleux robots, le seul matériel moderne que l’on avait vu était le même que dans notre bassin minier et souvent de marque allemande « Wesfalia », je me souviens.

J’aurais bien d’autres souvenirs à évoquer, tous riches d’humanité mais aussi de vision politique, Noël Josèphe incarnait les deux dimensions.

François Delagrange,

Dunkerque, le 10 mai 2020