UNE MAMIE …

Florence BUGSEL
Militante associative
Militante de l’Education Populaire
Maman de deux enfants.
Aimée avec Florence (à gauche) et Anne, sa grande soeur.

Par Florence, une de ses petites filles

C’est important une mamie, surtout quand on en n’a qu’une !
Ma mamie aurait 100 ans.
Elle est en lien avec de doux souvenirs de mon enfance : des câlins, du pain gâteau, du beurre qui crie, Pipitch qui roucoule dans la cuisine.

Petite, j’ai passé beaucoup de temps chez mes grands-parents, et la journée – parce que Papie avait un emploi du temps bien rempli – je la passais avec elle. 
Elle cuisinait (beaucoup !!!) et il fallait finir les plats, faisait des confitures, des gelées et repassait (beaucoup aussi !!!).
Elle mettait un sac de moules dans son cerisier pour que les oiseaux ne viennent pas tout manger.
Elle aimait le lilas. Et moi aussi j’aime ça. 
Son odeur me propulse instantanément avec elle.


Elle avait été institutrice et directrice d’école. Paris et Beuvry n’étant pas dans la même zone, je retournais à l’école maternelle du Quinty pendant les vacances, car elle allait voir ses copines.
Elle m’a emmenée en vacances, en caravane, avec mon grand-père qui faisait la tournée des colos. 
Au Flanquin de Mamie (nous allions à Mont Flanquin, et moi j’avais compris que c’était le sien), boum, je me casse la clavicule.
Le plâtre ne me permet plus de faire mon rituel pour m’endormir (tortiller mes cheveux). Pas grave, elle s’allonge prêt de moi et me permet de plonger dans le sommeil en faisant ces tortilles.
Elle m’emmenait aussi au « Bal du lion d’or » et je voulais aller danser.
Elle a fait le convoyage de ma première colo, pour être certaine que tout se passait bien.
Elle m’envoyait des lettres et des cartes postales.
Elle aimait avoir ses enfants à la maison. 
Ces grandes tablées animées, où des fois tu t’ennuies, enfant.
Quand la maison était remplie, je dormais coincée entre mon Papie et ma Mamie.
Tellement confortable et inconfortable en même temps…
Elle connaissait toutes les dates d’anniversaire, notées dans son répertoire. 
Elle avait son frigo couvert de photos des siens. 
Au fil du temps, elle est devenue Mamie Bambou (comme le chat) pour mes cousins et cousines plus jeunes.


Ma Mamie avait des principes, mais c’est son cœur qui l’emportait. 
Elle est née en 1920, une autre époque, un autre siècle. 
Elle a vécu des joies, des peines, des souffrances.
Je la vois comme une femme forte qui, comme chaque être humain, avait ses faiblesses.
Elle a vieilli, son homme aussi. 
Elle a perdu ses deux grandes sœurs, puis sa jumelle. Leur petit frère leur a survécu quelques années. 
Elle est devenue veuve.
Elle n’était pas heureuse de sentir que sa vie allait se terminer. 


Quand on est petite, notre mamie nous chérit, prend soin de nous, nous gronde aussi quand on fait des bêtises. 
On grandit, ses grandes petites-filles deviennent mamans, et Mamie se réjouit d’être arrière-grand-mère.
Quand on est devenue grande, on prend soin de sa mamie.
Et quand on est devenue grande, on perd sa mamie.
Le jour où nous avons appris son décès fut une journée irréelle… Nous étions avec ma grande sœur et nos familles en vacances dans l’Est, et nous ne pouvions pas partir, un de nos chats manquait. 
Alors nous avons attendu, sous le tilleul. Il faisait beau. Le félin retrouvé endormi, nous avons pris la route.


Quand on est devenue grande, on dit au-revoir à sa mamie.
Je me souviens de ma main serrée, accrochée à cette étoffe qui était sous son cercueil.
Le jour de ses obsèques fut aussi irréel. 
Caniculaire.
La plage de Malo doit se souvenir de cette bande vêtue de noir qui avance sur la plage et se jette à l’eau, tellement il fait chaud.
Une famille endeuillée au « Roi de la moule », qui mange et rit.
Parce que c’est ça, la Vie.


Ma Mamie est toujours là. 
Dans mon cœur. 
Bien des fois, je me demande quels conseils elle aurait pu me donner.
Alors j’ouvre mon cœur et ça va mieux. 
Je ne sais pas quelle mamie j’aurai la chance d’être.
Mais si je lui ressemble, ne serait-ce qu’un peu, cela me va.