Michel SPANNEUT, Prêtre et théologien

Abbé Michel SPANNEUT
(1919-2014)
Il est le fils cadet d’une famille d’agriculteurs, dont la ferme familiale était située chemin du Laboureur près du bois de Beauvoorde à 5 kilomètres du bourg de Steenvoorde,
Michel Spanneut entre à l’école primaire publique à l’âge de 7 ans. Le dialecte flamand parlé à l’époque dans cette région de la Flandre intérieure française est sa langue maternelle. Il apprend la langue française auprès de son instituteur avec lequel il restera en relation toute sa vie durant. Il obtient le Certificat de Fin d’Etudes à 12 ans et entre ensuite au Petit Séminaire d’Hazebrouck pour y poursuivre ses études.
Michel Spanneut étudie la théologie à l’Université Catholique de Lille à partir de 1938. Il reçoit l’ordination sacerdotale en 1944.
En 1946, il obtient un doctorat en théologie. En 1954, il soutient sa thèse Le stoïcisme des pères de l’Église de Clément de Rome à Clément d’Alexandrie. En 1956, il obtient son doctorat d’état ès Lettres, mention Très Honorable à l’unanimité des membres du jury, à la Paris (Sorbonne).
Il enseigne les lettres anciennes à l’Université catholique de Lille de 1955 à 1989 et devient Doyen de la Faculté Libre des Lettres et Sciences Humaines en 1965.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Spanneut

Une amitie profonde et indéfectible née sous l’occupation et fondée sur l’Humanisme

Mon estime pour Noël Josèphe porte une date. Elle est née à Steenvoorde en septembre 1944. Elle ne s’est jamais démentie, sauf que la sympathie s’est faite amitié.

Noël Josèphe, doté de l’appréciable Brevet supérieur, était alors, depuis 1939, instituteur à l’Ecole cantonale de Steenvoorde, responsable des classes qui constituent aujourd’hui le cycle du collège.

Pupille de l’État, il avait été élevé de l’âge de six mois à vingt-deux ans, dans la stricte observance, au Steen-Acker, un rude hameau frontalier de Boeschèpe, par « Maân Virginie », une flamande de nationalité belge qui ignorait le Français.

Instituteur, Noël Josèphe avait déjà réalisé un fameux bout de chemin. Le maître d’école, peut-être en raison de ses origines, éprouvait le besoin d’humaniser sa tâche. Il s’occupait bénévolement des jeunes et constituait, au nez de l’occupant, un club de football.

En 1941, répondant à une invitation du Général de Gaulle, à l’occasion de la fête de Jeanne d’Arc, il manifestait, avec son équipe, à Hazebrouck : il était condamné à une lourde amende et voyait son club dissous.

En fait, Noël Josèphe était responsable du secteur « Flandre II » dans le réseau de résistance « Voix du Nord », aux ordres de Marcel Houcke. En 1942, probablement sur dénonciation, il était arrêté à Boeschèpe par la Gestapo.

Tel était l’instituteur de Steenvoorde, soucieux de formation et audacieux patriote.

Moi, j’étais, de mon côté, séminariste, puis jeune prêtre, étudiant à la Catho de Lille, domicilié à Steenvoorde. Pendant les longues vacances universitaires, j’étais attaché au scoutisme, au patronage et à l’équipe de football paroissiale, qui voyait d’un œil un peu inquiet les initiatives de Noël Josèphe. En somme, nous n’étions pas du même bord et nos routes ne se rejoignaient guère.

Mais il y eut septembre 1944 …

Le 4 septembre, l’armée allemande en déroute quittait pitoyablement le territoire de Steenvoorde eu direction de Poperinge. Des incidents se produisent. Il y a quatre victimes civiles, dont mon beau-frère.

Dans la nuit du 4 au 5 septembre, les F.F.I. sortent de l’ombre, sous les ordres du lieutenant Noël Josèphe.

Le 6 septembre vers 10h30, arrivent sur la grand-place les chars polonais placés sous le commandement du général Maczec.

Noël Josèphe et ses camarades capturent une centaine de soldats allemands, dont trois officiers, qui se rendent, les armes à la main, selon les lois de la guerre.

Ces trois officiers, Heim Selmirez, Wilhelm Prukl et Hans Tarkel, sont bientôt réclamés par des responsables d’une ville voisine, qui veulent venger les nombreux résistants arrêtés et exécutés par une autre formation allemande.

Noël Josèphe, à ses risques et périls, refuse de les livrer et les met en lieu sûr sous bonne garde.

En fin d’après-midi, il me fait appeler pour que j’assiste les officiers menacés, en prêtre mais aussi en interprète et en avocat.

Noël Josèphe me dit alors textuellement ces mots qui m’ont marqué : « On n’est pas encore sorti du régime hitlérien, et on voudrait déjà appliquer les mêmes méthodes ».

Vers minuit, encadré par deux F.F.I. armés, je vais réconforter les condamnés, dont le sort n’a pas changé.
Le matin du 7 septembre, Noël Josèphe me fait dire : « Ils sont en sécurité ; je les ai fait partir sur Cassel, où ils seront remis à l’armée régulière ».

Noël Josèphe révélait ainsi, à vingt-quatre ans, en des circonstances très délicates et dangereuses, une maturité et un sens de l’homme qui allaient se confirmer aussitôt.

Steenvoorde célébrait sa libération. Noël Josèphe, qui aurait pu tirer profit et vanité d’avoir choisi le bon camp, canalise l’événement, avec la même sagesse que la veille. Il désarme les F.F.I. de la 25ème heure, prêts à vider, révolver au poing, l’épicerie qui avait vendu une bouteille de vin à un occupant. Il évite les excès de l’épuration. Il arrange au mieux les affaires municipales dans le respect de chacun. Puis, bien que marié et père d’un jeune enfant, cohérent avec lui-même, il s’engage dans l’armée pour la durée de la guerre, afin de contribuer à mettre fin au nazisme.

Revenu à la vie civile, Noël Josèphe reprend son métier d’enseignant et même le chemin de l’Université où je le rencontre. L’École Normale Supérieure de Saint-Cloud en fait un inspecteur départemental, en contact permanent avec l’enseignement privé. Il mène, d’autre part, une brillante carrière politique. L’inspection, la politique, ce ne sont pas mes domaines. Mais, d’un côté comme de l’autre, on me dit : « Noël Josèphe, ce n’est pas un sectaire » ! 

Noël Josèphe est resté à mes yeux l’homme que j’ai découvert le 6 septembre 1944, respectueux des valeurs humaines, intelligent, réaliste, généreux. C’est encore lui qui me rendait visite à l’hôpital alors qu’il avait d’autres chats à fouetter, en septembre 1993, quarante-neuf ans après.

Je le remercie.

Michel SPANNEUT
Prêtre
Doyen honoraire de la Faculté libre des Lettres de Lille
(1919-2014)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *